but when I look in your eyes (wolf)

Les yeux de Sutton roulent dans leurs orbites avec exagération quand elle se retrouve à ôter les coussins du canapé les uns après les autres, désespérément à la recherche d’un iPhone qu’elle entend vibrer, mais qu’elle est incapable de localiser. Les gamines de ce soir — qui n’avaient du conte de fées que l’allure, toutes trois vêtues de tutus respectivement violet, vert et bleu à son arrivée — ont pris un malin plaisir à la torturer des heures durant. Si ce n’était pas pour rendre service à papa, pour lire la reconnaissance dans les yeux fatigués de maman, jamais Sutton ne se serait pliée à l’exercice du babysitting un soir de weekend — c’est le job de Faye, généralement, mais aux collègues et si proches amis de ses parents, a-t-on seulement la possibilité de répondre par la négative ? Se laissant tomber à genoux, elle glisse une main sous le Chesterfield Victoria, en sort une petite couverture rouge dans laquelle est emmitouflé le graal qu’elle toise d’un oeil mauvais, comme s’il était responsable — comme s’il s’était fait la malle seul — avant de lever les yeux en direction du plafond. A cette heure-ci, les suppôts de Satan, pourtant si mignonnes avec leurs tâches de rousseur et les boucles brunes encadrant leurs visages de porcelaine, dorment depuis un petit moment, merci bien ; Wolf ne devrait plus tarder non plus, et c’est encore mieux.
Sutton dépose son portable sur la petite table basse du salon et se dirige vers la cuisine d’un pas nonchalant, ouvre les armoires pour en sortir un paquet de chips qu’elle déverse dans un bol, puis se détourne pour le frigo dont elle sort les boissons — dispose le tout sur un petit plateau qu’elle amène au salon. « Hi, stranger », fait-elle à mi-voix lorsqu’elle aperçoit la silhouette de son meilleur ami passer l’arche séparant le hall d’entrée du séjour. Les regards s’accrochent et les sourires s’échangent avec une réserve qui hurle les mots qu’ils gardent derrière leurs lèvres closes, lui avec difficulté, elle avec un naturel égoïste — rien de plus "Sutton" que de lui demander d’étouffer ce qu’il ressent pour ne pas voir son quotidien chamboulé, reine des couardes. « Laisse-moi deviner, tu es chez Sam ce soir ? » Sutton se laisse tomber avec délicatesse dans le canapé, puis se penche légèrement pour attraper la télécommande de la télévision pour lancer Netflix. Une fois qu’il a pris place à ses côtés, elle se rapproche légèrement de lui, par réflexe, par besoin, elle sait pas trop, alors elle se racle la gorge et ajoute, légèrement moqueuse : « les Bloomgarden pensent que tu t’appelles Fallon. » Elle marque une pause, tourne un regard pétillant dans sa direction et hausse légèrement les épaules. « C’est de bonne guerre, je suppose. »

@wolfgang ó'máille