/ contexte /

[ breathing down your neck ]

middle of nowhere, oklahoma

Ici on ne prête une oreille attentive à rien d'autre qu'au bulletin météo, crachoté avec la qualité d'une ligne brouillée, unique fil qui peut prétendre relier El Reno au monde réel : il est juste question de savoir si le vent va tourner, le ciel descendre et se déchirer pour accoucher une tornade qui pourrait tout arracher. Pour le reste, les faits divers n'ameutent plus personne, ils sont soit inexistants, soit tragique comme si ici il ne pouvait arriver rien d'autre que le néant ou le sordide. On encaisse les nouvelles avec l'oeil morne de celui qui a toujours su qu'il n'arriverait rien de bon dans cette ville. Ca rend pas plus mature, ça fait pas vieillir prématurément, ça donne juste lieu à une oisiveté qui doit s'occuper avec du vent, des champs, du fade. T'es persuadé que même en enfer il se passe plus de choses. El Reno c'est ton purgatoire, l'anti-chambre où t'es coincé et pas prêt d'en sortir, t'en connais le papier peint par coeur, et si tu viens d'arriver, on doute que ça te fasse rêver. Dry and rough. Ta vie se résume pas mal à ne rien faire, à attendre, à te tourner les pouces, à aller en cours, à t'embrouiller, à rêver de te barrer, puis à recommencer. Ici on dit que t'es un des gamins biens si tu vas au lycée, si tu brûles pas des champs, si t'as l'air à peu près fini. Par contre on dit qu'ta mère aurait mieux fait de pas te garder, si tu te retrouves au Howard Youth Center, ce trou à rats pour des délinquants en devenir. Délinquants à qui on file des cours de mécaniques, ou conneries du genre comme si ça pouvait les ramener sur le droit chemin, tout en les forçant à suivre une partie des cours au lycée, pour pas qu'ils deviennent complètement asociaux. La vieille Karen qui tient la station essence dit que ce sont des animaux, peut-être qu'un jour quelqu'un cramera sa boutique pour lui faire payer. Enfin en attendant, on écoute le vent en se demandant si une tornade va pas délivrer tout le monde de ce clapier.