- in my blood (fallon)

"congédiée". c'est le mot qu'ils ont utilisé pour mettre maman à la porte suite à son dépôt de plainte contre son pervers de boss. évidemment que c'était illégal, en plus d'être absolument immoral. mais ce n'est pas avec son salaire d'aide soignante qu'elle allait les poursuivre en justice - et ils le savaient. puis de toute façon, la misère s'abat toujours plus fort sur ceux qui n'ont pas de quoi se relever. alors vous vous êtes retrouvées là, assises autour d'une table, à vous demander comment survivre jusqu'au moins prochain sans l'unique salaire de la maison. évidemment que ta mère a essayé de trouver un nouvel emploi. qu'elle a passé des heures à éplucher les petites annonces dans le journal. mais sans diplômes, les offres sont limitées - encore plus quand le chef de service du seul hôpital de la ville vous a blacklistée. alors elle a tiré sa dernière carte du jeu, a sorti un joker que tu n'aurais jamais imaginé voir un jour... ton père. ou plutôt géniteur, pour être exact. et rien que d'y penser, ton sang bouillonne, ta gorge se sert, et la colère monte. parce que toute ta vie, on t'a répété la même chose : your dad's not in the picture. never was, never will be. et tu n'as jamais eu de problème avec cette idée, profondément convaincue que ce que tu n'as jamais eu ne peut pas te manquer. mais d'un coup, les valeurs ont été inversées. tout ce que tu pensais être vrai vole en éclats, l'espace d'un seul coup de fil. soudainement, celui qui a foutu ta mère enceinte il y a seize ans sans jamais donner de nouvelle vit à crockett, à quinze minutes de chez vous, avec sa femme et leurs deux enfants. et soudainement, tu dois passer du temps avec lui et sa famille, en échange d'une pension alimentaire qu'il aurait dû payer depuis des années. la vérité, c'est que tu étais un accident malencontreux dans la double-vie qu'il menait avec ta mère (qui n'était bien sûr par au courant de sa vraie situation), et en apprenant sa grossesse, il lui a fait jurer de ne jamais révéler son identité, en échange d'un emploi stable à st james. bref le genre de comportement qui hurle fils de pute à des kilomètres à la ronde. et pourtant, dans tout ça, ce qui te blesse le plus ce n'est pas l'abandon, non. ce qui te fait le plus de mal, au final, c'est le fait que ta mère t'ait menti toutes ces années. parce qu'entre vous, il n'y a jamais eu de secret. sauf que maintenant, tu n'arrives plus à la regarder dans les yeux, le goût amer et pathétique de la trahison te restant en bouche. t'aimerais crier, renverser tous les meubles de l'appartement, lui faire comprendre d'une manière ou d'une autre que tu la hais d'avoir gâché la seule relation de confiance que t'aies jamais eu - mais tu n'en as pas la force. alors pour encore une semaine ou deux, ce sera le silence treatment. puis tu feras comme si de rien n'était, comme si tout était normal entre vous. de toute façon, tu dois déjà digérer le fait que, pour la première fois, tu vas rencontrer ton 'père'. (...) la gerbe aux tripes et l'envie de partir en courant, tu déposes un rapide baiser sur la joue de ta mère avant de descendre de la voiture. – i'll text you when i'm done. et sans un regard, tu avances vers la maison des campbells. grande, luxueuse, décorée comme un putain de château du dix-huitième ; bref, tout l'opposé de votre appart. et finalement, tu les vois. tous les quatre, sur le perron de la maison, le dos bien droit et des sourires ridiculement larges placardés sur la gueule. le cliché de la famille parfaite. et tu ne peux pas t'empêcher de grincer des dents à l'idée que, toi aussi, tu vas devoir en faire partie. et c'est peut-être un peu bête, mais en voyant les cardigans des filles et les pantalons en lin des garçons, tu réalises que venir en docs et en pattes d'eph à carreaux n'était peut-être pas le choix le plus adapté. même chose pour ton maquillage, plus sombre encore que tes goûts musicaux et difficilement discret, qui contraste avec le style nude de la matriarche. et ça te fait sourire, intérieurement. parce que rien ne pourrait te faire plus plaisir que de faire crier d'horreur ton géniteur à la vue de la sale gosse qu'il a abandonnée sans remord il y a seize ans. et c'est seulement quand tu arrives à hauteur des marches que tu la remarques vraiment - fallon. leur fille aînée, à peu près de ton âge et étrangement familière. tu ne saurais pas dire d'où tu la connais, ou même si tu l'as déjà croisée, mais quelque chose fait blocage sur son visage. puis ça te frappe. cette fille qui te dit vaguement un truc, que tu n'arrives pas à remettre, c'est la fille au mêmes yeux.

@fallon campbell

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