awkward (nana)

la mère encore endormie dans son lit malgré l’heure avancée, déjà le début d’après-midi, rosie hésite une seconde, entre la réveiller ou la laisser encore cuver un peu, fini par opter pour la deuxième option. encore rentrée au petit matin, à l’heure où rosie se lève, après une soirée encore trop arrosée. elle les enchaîne en été, rentre tard tous les soirs, en particulier le week-end. les petits boulots qui s’enchaînent de façon sporadique, parce qu’elle est pas foutu de se lever le matin et de se pointer à l’heure en étant à peu près fraîche. et ça lui pèse, rosie, de devoir être la seule à être responsable dans cette micro famille depuis le départ de nonna. alors elle en profite, en été. pas de cours, pas de boulot le matin, elle file aux aurores, la planche sous le bras pour retrouver les vagues avant l’arrivée en masse des lèves-tard et autre touristes. pouvoir profiter de la mer, seule, ça n’a pas de prix. son petit plaisir à elle, sa bulle d’oxygène, son moment pour relâcher la pression et avoir l’impression de n’être qu’une ado comme une autre, l’espace de quelques heures. avant de devoir rentrer au trailer, de devoir s’occuper des factures, des courses, du ménage… une fois la vaisselle terminée, elle file en silence, laisse sa mère dormir, sachant pertinemment que lorsqu’elle rentrera ce soir, sa mère sera aux abonnés absents, déjà repartie pour une soirée d’ivresse. en espérant qu’elle rentrera seule, c’est tout ce qu’elle demande, rosie. de ne pas voir un énième inconnu filer en douce au matin. elle file sur son skate, direction le centre ville, pour retrouver charlie. elle ne sait plus vraiment ce qu’elles ont de prévu, se souvient juste qu’elle devait la retrouver chez elle en début d’après-midi, et que si elle y va un peu à reculons, elle sait dans le fond que ça lui fera du bien, de sortir un peu et de quitter l’ambiance du trailer. elle arrive vite devant la maison de son amie, attrape son skate avant de sonner à la porte. le sourire qui s’efface quand celle-ci s’ouvre non sur l’amie d’enfance, mais sur sa demi-soeur. demi-soeur qui du jour au lendemain a décidé de ne plus calculer rosie, sans explications aucune, sans qu’elle ne comprenne vraiment pourquoi, et ça la blesse, la gosse, parce qu’elle est persuadée d’avoir faire un truc de travers mais qu’elle n’arrive pas à mettre le doigt dessus. sinon, pourquoi nana l’éviterait-elle, hein ? elle reste un moment interdite avant de se racler la gorge, sentant déjà la gêne qui la gagne à mesure que les secondes s’éternisent. “salut… charlie est là ?”

T’as pas fait grand-chose de ta journée, pour le moment. Tu t’es levée vers dix-heures parce que Nonna est entrée en trombe dans ta chambre en disant qu’il était temps de se lever, que sinon tu ne ferais rien de ta journée. Elle t’a préparé des cornettos à la crème et après avoir mangé, vous avez regardé la télévision ensemble. Maman travaille, son mec aussi et tu ne sais jamais franchement où est Charlie. Nonna s’endort devant la télé comme à son habitude et tu en profites pour monter dans ta chambre pour enfiler un leggin et une brassière de sport, pour aller faire ton jogging hebdomadaire. Habituellement, tu préfères courir le soir, mais tu as prévu de passer la nuit chez Soren, même si la version officielle est qu’tu la passes chez Liz. Tu cours un peu moins d’une heure, dans le quartier, principalement et revient avant midi, en nage. T’as pas le temps d’aller te doucher parce que Nonna est levée et prête à manger. Comme à son habitude, elle a fait à manger pour dix alors que vous n’êtes que toutes les deux. Ayant rendez-vous chez le coiffeur, elle te laisse finir toute seule et après avoir lavé la vaisselle, tu te diriges vers la salle de bain. Comme toujours, tu restes de longues minutes sous l’eau tiède avant de sortir et t’enrouler dans une serviette. Tu démêles tes cheveux, les laisses sécher à l’air libre en te brossant les dents. Cela fait, tu mets un peu de crème, du blush et du mascara avant de te rendre dans ta chambre pour enfiler un short en jean vintage et un petit haut en crochet blanc. Tu n’as rien de prévu, dans l’après-midi et tu soupires en regardant ta montre. Tu pourrais passer à la salle de sport pour taper dans un sac ou aller squatter chez Soren plus tôt. Mais t’as la flemme de bouger. Alors tu restes allonger sur ton lit, téléphone à la main et tu scrolles sur twitter ou instagram jusqu’à ce que tu entendes la sonnerie de la porte d’entrée. Tu descends les marches quatre à quatre pour te retrouver dans le hall et tu ouvres la porte, souriante. Tu perds cependant rapidement ton sourire en croisant les yeux de Rosie, la meilleure amie de Charlie. Tu soupires, lèves les yeux au ciel. T’as pas envie de la voir. Ou plutôt, tu te convaincs qu’t’en as pas envie. Parce que Nonna n’veut pas que tu la côtoies, que Nonna a toujours raison. Si elle dit qu’elle n’est pas fréquentable, alors tu l’évites comme la peste. « Nan. » que tu réponds froidement en croisant les bras. « Et je sais pas quand elle revient ou où elle est, donc pas la peine de rester. Je suis occupée en plus. » qu’tu dis en posant une main sur la porte.

Le sourire de Nana qui s’efface aussi vite que celui de Rosie, et elle sait plus vraiment où se mettre la gosse, complètement déboussolée et perdue face à la froideur glaciale que l’autre dégage. Elle a pas l’habitude, Rosie, qu’on soit aussi dur avec elle. Plutôt du genre à se plier en quatre pour faire plaisir à tout le monde, du genre à s’effacer pour ne pas faire de vagues, surtout pour qu’on ne lui en veuille pas. Alors elle ne comprends pas comment l’autre peut lui en vouloir à ce point - parce qu’elle semble bien décidée à la laisser sur le pas de la porte - ne comprends pas ce qu’elle a pu faire pour mériter ses foudres du jour au lendemain, quand elles semblaient plutôt bien s’entendre jusqu’à présent. Les mots qui se mélangent dans la tête, ne parviennent pas à franchir les lèvres qui restent légèrement entrouvertes, hébétée face au mur qui lui fait face. Le non qui claque dans l’air entre elles, semble rajouter encore un peu plus de distance au gouffre sans fin qui les sépare. “Je… okay…” Elle hésite sur le pas de la porte, porte que l’autre semble prête à lui fermer sur le bout du nez, et cette urgence à la voir disparaître vient titiller ce qui lui sert d’amour propre, creuse ce besoin de savoir le pourquoi du comment, de connaître la raison du changement radicale de comportement chez l’autre. Sursaut des muscles qui se tendent pour laisser sortir une interjection. “Attends !” La conscience qui revient au galop, se demande si l’intonation n’était pas trop violente, trop autoritaire, peur d’avoir agressé l’autre sans le vouloir quand tout ce qu’elle cherche, ce sont des réponses, rien de plus. Le mouvement de clôture reste en suspens, sûrement sous le coup de la surprise, et elle sent, elle sait que c’est là sa seule chance, que si elle ne la saisit pas, l’occasion lui passera sous le nez pour probablement ne plus jamais se présenter à elle. “Je… je peux te poser une question ?” La voix qui se fait plus hésitante, l’angoisse qui vient serrer la gorge pour empêcher les sons de sortir, folle envie de pivoter sur les talons et de tracer sa route, prendre ses jambes à son coup sans se retourner. Mais non. Hors de question. “Je t’ai fais quelque chose ? Je veux dire… Pourquoi tu me calcules plus depuis quelques temps ? Je comprends pas…”