pop the stitches from society (parker)

Do I matter? I'm ecstatic, I'm depressed
More like God's special mess
Never had no halo
Trippy, I can barely hike it outta bed
Time-bomb under it
Persuading you to hop in

Taper une PS5 sans se faire gauler, passer acheter deux McDouble au drive avec les 5 dollars qu'il a trouvé dans la poche arrière de son jean, passer à la station service pour acheter six litres de Dr Peppers. Quel putain de samedi productif. Abuelita est (encore) au casino, l'occasion parfaite pour pouvoir saigner sa nouvelle console dans la paix et... la nudité. Il est 16h et Cruz, assis en caleçon sur le bord de la banquette défraichie qui est censé faire office de canapé, son casque sur les oreilles, offre un tableau de toute beauté : un ado attardé dans un trailer dégueulasse en train de flinguer son samedi aprem au bénéfice d'un jeu vidéo à la con qui l'aidera clairement pas à améliorer son GPA. Mais vous savez quel est l'avantage d'être personne et de n'avoir personne ? C'est que tout le monde s'en tape que vous soyez en train de foutre votre avenir en l'air. C'est ce que lui a dit son conseiller d'orientation en tout cas. Un sombre connard aux cheveux gras qui lui avait fait un long discours sur pourquoi les jeunes comme Cruz finissent toujours mal. Mais Cruz le prend pas personnellement, si il avait du prendre personnellement chaque fois qu'on lui a dit que c'était un putain de losers il n'aurait pas fini de chialer.
La vérité c'est que Cruz y pense parfois, à son avenir, tard le soir, quand il est sur le toit de son trailer en train d'admirer la voie lactée. Il s'imagine océanographe en Nouvelle-Zélande, zoologiste en Californie, vétérinaire pour ours polaire. Ouais il s'imagine plein de trucs Cruz, c'est peut-être ça son problème. La tête dans l'imaginaire malgré ses deux pieds dans la réalité. Peut-être qu'un jour quelqu'un verra en lui plus qu'un latino kleptomane qui utilise l'humour comme coping mechanism. En attendant, il y a Assassin's Creed et un reste de Mac & Cheese pour lui réchauffer l'esprit et le ventre. Cruz a tiré tous les rideaux du trailer pour favoriser une concentration maximale, il est sur le point de résoudre la dernière quête quand soudainement la porte du trailer s'ouvre à la volée. "Shit!" Il attendait pas Abuelita avant au moins deux autres bonnes heures, sûr qu'elle va lui envoyer dans la gueule le premier truc qu'elle trouve pour l'avoir trouvé en caleçon en pleine après-midi en train de jouer à une console plus chère que tout le mobilier de la cuisine réuni. Sauf que lorsque la porte se referme, c'est pas sa petite Abuelita d'1m49, nope. C'est la voisine. "The fuck?! You scared the shit out of me!"

Dans le single-wide, il n'y a rien à faire à part compter les intervalles, et le lion feule. Parker bout, mais bout avec discipline, réfléchit à quel mur de placo il serait le plus satisfaisant de massacrer pour s'empêcher de céder à l'envie de le faire. Ça allait au début, ça paraissait surmontable, mais après trois heures de plic... plic... plic, elle est à un cheveu de virer full Yellow Wallpaper. L'évier de la cuisine fuit, lentement, dans un tempo métallique qui s'est infiltré jusqu'à ses articulations et a pénétré toutes les pièces : en scrollant insta sur son lit une heure plus tôt, elle s'est surprise à faire glisser le pouce sur le rythme des gouttes. Depuis, elle fait tourner l'anneau de ses clés autour de son index, comme pour se narguer elle-même. Le trailer, le cadenas de son vélo, deux toutes petites serrures et la liberté au bout du cliquetis, sauf que son bienaimé Rocket est toujours sur la jante, car réparer son pneu coûte plus que la générosité d'Andrew Jackson, glissé dans le sports bra, ne peut lui payer. Sous la douche et ça plic toujours. Travis Scott à fond et ça plic encore. Les devoirs —limités, car s'il y a une chose que le centre fait correctement, c'est s'avouer qu'il faut surtout pas trop en demander à l'élite intellectuelle et sociale d'El Reno— ne sont même pas une option. Elle a d'ailleurs tout laissé dans sa cellule (pardon, chambre) à Howard. Et fuck, si elle pense devoirs, c'est signe qu'il est grand temps d'agir. La réponse est évidente car elle lui fait face à travers la petite fenêtre de sa toute aussi petite chambre : Abuelita, qui sait tout faire, ou a du moins la sagesse ancestrale de tout savoir faire faire. De l'autre côté de l'allée, le comité d'accueil est immédiat mais laisse sérieusement à désirer. Cruz en cris et caleçon. Parker roule des yeux mais les détourne, pudiques, dans le même mouvement, tandis qu'elle referme la porte derrière elle. "I scared you?" grommelé avec le dos de la main brandi dramatiquement à l'horizontale pour se couvrir le regard. "Cover up, dude." Ça joue les puritaines pour la forme, pour faire chier, car il serait surtout pas question d'admettre qu'elle a l'embarras facile. Elle parque une hanche contre un meuble, en ne regardant pas dans sa direction avec une ténacité remarquable. "I knocked." Le verbe est obnoxiously traînant, prend les intonations du duh pour placer clairement le blâme là où il doit se trouver. Pas sur elle pour son impudeur, mais sur lui pour porter son casque face à une porte d'entrée déverrouillée. Like, c'mon, that's trailer park 1.0.1. "So your—" grandma isn't here ? La question s'ouvre par réflexe et se ferme dès qu'elle devient rhétorique. À l'évidence, il est seul. Pas le plan de base, mais l'alternative est refusée d'emblée. C'est prendre sur elle et jouer à la sociabilité chancelante, ou retrouver le plic-plic qui lui donne l'envie aiguë de s'arracher les yeux pour se boucher les oreilles avec. Par conséquent, elle redirige la lignée de l'interrogatoire, et désigne, d'un mouvement de poignet paresseux, la console à l'orée de son champ de vision. Aka l'attraction principale de la pièce. "This is new." Le sous-entendu est clair, mais succédé d'aucun jugement. Et tant que t'y es, tu pourrais pas me choper une chambre à air toute neuve ?

La voisine. Cruz sait pas grand chose sur elle si ce n'est qu'elle sent bon la weed et la vanille. Ca lui arrive de sentir encore son parfum dans le trailer après qu'elle ait passé une après-midi avec Abuelita à refaire le monde. Il sait aussi qu'elle se barre souvent en vadrouille au pire moment, genre quand y a des avis de tornade ou de tempête. En général, les gens se précipitent chez eux pour s'abriter. Pas cette petite meuf. Cette petite meuf grimpe sur son vélo et fonce droit vers les nuages plein de colères. Il se souvient l'avoir observé filer entre les arbres aux branches hurlantes, un soir que la tempête se levait. "Abuelita, creo que tu amiga está tratando de morir." Les nanas sont bizarres, Cruz s'est déjà fait à l'idée mais celle-ci semble l'être un peu plus que les autres. Il sait toujours pas d'où elle sort d'ailleurs, il a l'impression que c'était hier qu'il s'est réveillé en matin et l'a trouvé en train de chiller dehors sur son canapé défoncé avec sa grand-mère. C'est d'ailleurs sûrement cette dernière qu'elle est venue chercher aujourd'hui. Debout comme un con, en caleçon comme un con, surpris comme un con, Cruz affiche cet air de chien battu qui lui a valu son surnom. Un surnom qu'il se traine depuis ses 3 ans, un surnom qu'il doit à sa mère. Un surnom qui est resté. Elle lui dit de se couvrir et Cruz hausse les sourcils. "Dude, it's my house, I pick the dress code. Apparently you didn't get the memo." Elle a un bon style en vrai, le genre qui aurait fait des ravages sur Tumblr à l'époque et encore maintenant. Y a sûrement des meufs qui font des mood boards Pinterest basés sur ses OOTD. Elle relève la présence de sa nouvelle console et pendant un moment Cruz se demande si elle va le balancer à sa grand-mère. Il lui fait toujours croire qu'un "pote lui a donné", faudrait pas que quelqu'un lui donne une autre version. Cruz s'empare d'un bong énorme violet fluo qu'il s'empresse d'allumer. "You mind?" Il n'attend pas la réponse, prend une longue inspiration tandis que l'eau gargouille gentiment. "Is it true that you hit Mackenzie Myers so hard she had to get nose surgery?" Naturel, sans transition. Il avait entendu quelques rumeurs à son propos, dans les couloirs au lycée. Visiblement c'était arrivé pendant une fête, Cruz qui d'habitude était partout tout le temps avait raté ça. Cruz avait pas réussi à avoir tous les détails, lui qui pourtant en était avide. Mais rien de mieux que d'interroger directement la source. "You're a badass."